1920

Source : Parti Socialiste SFIO, 18e congr�s national tenu � Tours, compte-rendu st�nographique, pp. 563 � 578. Il y est indiqu� : � Cette R�solution a �t� adopt�e par 3 208 mandats) ï¿½.


R�solution pr�sent�e par le Comit� de la IIIe Internationale et par la fraction Cachin-Frossard

Parti Socialiste

Congr�s de Tours (25 au 30 d�cembre 1920)



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Apr�s quatre ann�es de massacre mondial, et deux ans de pr�tendue paix, pendant lesquels la bourgeoisie n'a cess� de poursuivre une guerre contre-r�volutionnaire et imp�rialiste contre le peuple russe et les peuples d'Asie opprim�s, le Parti socialiste constate l'impossibilit� o� se trouve le capitalisme de survivre au bouleversement �conomique et social qu'il a provoqu�.

Les insatiables app�tits de la classe bourgeoise et l'�volution fatale du monde industriel ont engendr� l'imp�rialisme ; et la concurrence des imp�rialistes rivaux suscite la guerre en permanence. Dans le sang de millions de prol�taires, la coalition imp�rialiste des Alli�s a vaincu la coalition adverse et a cru s'assurer l'h�g�monie mondiale. Ma�tresse des colonies d'Asie et d'Afrique, elle impose sa volont� aux anciens �tats neutres, elle r�duit en esclavage les peuples de l'Europe centrale par des trait�s consacrant le triomphe de sa force et son � droit ï¿½ de spoliation, de pillage � outrance.

Mais la Russie r�volutionnaire a mis en question l'omnipotence de la coalition imp�rialiste victorieuse. Refusant de subir la loi du capitalisme, elle a renvers� le r�gime bourgeois, transmis le pouvoir au prol�tariat, expropri� les expropriateurs, entrepris l'instauration de la soci�t� communiste. Elle a r�sist� victorieusement aux assauts de la contre-r�volution internationale et, � son exemple, s'organise dans tous les pays la r�sistance � l'oppression du capital.

En m�me temps se d�veloppent les in�luctables cons�quences de la guerre imp�rialiste. La rivalit� des oligarchies capitalistes concurrentes disloque le faisceau des imp�rialismes associ�s. La ruine des Etats, le d�s�quilibre des budgets, l'inflation de la circulation fiduciaire, succ�dant � la destruction d'innombrables vies humaines et d'inappr�ciables richesses, portent � son comble le d�sordre �conomique. La paralysie des �changes internationaux, le tarissement de la production, la croissance irr�sistible du co�t de la vie, exasp�rent les antagonismes de classes. Les contradictions minant le capitalisme atteignent une virulence mortelle pour le vieux r�gime.

Dans le chaos g�n�ral o� la bourgeoisie aveugle continue de rechercher la domination et le profit, le prol�tariat gagne chaque jour en clairvoyance, prend conscience de sa mission r�volutionnaire et engage le combat lib�rateur contre ses ma�tres.

Pendant quatre ann�es, les peuples, aveugl�s par de monstrueuses l�gendes, fanatis�s par des haines factices, �gar�s par le mensonge et l'erreur, que la bourgeoisie a cr��s et entretenus gr�ce � la toute-puissance corruptrice de l'argent et � la toute-puissance coercitive de l'Etat, se sont entr'�gorg�s dans une lutte fratricide insens�e. Tromp�s par les dirigeants de la IIme Internationale, en m�me temps que par les gouvernants bourgeois, ils ont cru, les uns et les autres, d�fendre une juste cause, leur patrie, la justice, le droit, la civilisation ; ils ont cru acheter de leur sang la paix perp�tuelle et assurer, par leurs sacrifices, le salut des g�n�rations nouvelles.

Ils mesurent actuellement l'immensit� de leur aberration. Ils comprennent que des dizaines de millions d'hommes sont morts pour la satisfaction des int�r�ts bourgeois. Ils n'aper�oivent ni paix, ni justice, ni civilisation ; ils ne voient que guerres, exploitation, barbarie. Et les g�n�rations nouvelles subissent le sort de celles qui ont cru les sauver.

Chaque prol�taire comprend aujourd'hui que son ennemi est dans son propre pays, et que la seule, l'unique guerre l�gitime est celle des exploit�s contre leurs exploiteurs. Dans chaque prol�tariat, une �lite consciente s'est organis�e en parti politique, qui dirige la classe opprim�e dans sa lutte contre la classe privil�gi�e. Ces partis socialistes ou communistes se sont group�s dans une nouvelle Internationale, sur l'initiative des socialistes clairvoyants, qui surent ne jamais renoncer � la lutte contre le r�gime capitaliste, et sous l'�gide de la premi�re r�volution prol�tarienne victorieuse.

Le Parti socialiste fran�ais proclame que cette nouvelle Internationale, l'Internationale Communiste, est l'interpr�te qualifi� des aspirations des masses exploit�es de toute la terre et le guide s�r, �prouv�, de l'avant-garde prol�tarienne.

Conscient du r�le historique qui lui incombe � l'heure o� les destin�es du prol�tariat sont en jeu sur le front mondial de la lutte des classes, le Parti d�cide d'entrer dans l'Internationale communiste qui coordonne les efforts de toutes les organisations prol�tariennes r�volutionnaires et dirige leur action lib�ratrice.

Le Parti se d�clare pleinement solidaire de la R�publique des Soviets, qui ne lutte pas seulement pour le salut des prol�taires de Russie, mais encore pour l'affranchissement du prol�tariat mondial. Il affirme que le devoir primordial des travailleurs de tous les pays est d'assurer, par tous les moyens, la sauvegarde de la r�volution sociale commenc�e en Russie, et d'entreprendre contre l'imp�rialisme, contre le r�gime capitaliste, une guerre sans merci, dont l'issue sera l'�mancipation int�grale du travail.

TH�SES

I. � La prise du pouvoir par le prol�tariat et la dictature prol�tarienne

Le Parti, consid�rant l'impuissance du capitalisme � reconstruire le monde tomb� en ruines, doit envisager les conditions dans lesquelles le prol�tariat pourra se substituer � la bourgeoisie et fonder la soci�t� communiste.

L'exp�rience de l'Histoire et des r�volutions en cours montre p�remptoirement que la transformation sociale ne peut s'accomplir dans les cadres du r�gime actuel et dans la l�galit� �tablie par ce r�gime pour sa sauvegarde. S'il est vrai que l'embryon d'un syst�me social na�t et commence son d�veloppement au sein du syst�me qu'il doit remplacer et dans lequel il puise sa premi�re substance, cette coexistence devient impossible d�s que les formes sociales naissantes rencontrent dans le milieu une entrave � leur �volution. La lutte de classes se poursuit alors hors de la l�galit� condamn�e et pour l'�laboration de la l�galit� nouvelle.

La premi�re phase de la lutte r�volutionnaire rev�t un caract�re diff�rent suivant la situation int�rieure du pays, la forme et le degr� de r�sistance des forces en pr�sence mais son objectif invariable doit �tre la prise int�grale du pouvoir politique par le prol�tariat. Tous les conflits sociaux tel que celui qui vient d'obliger le gouvernement italien � reconna�tre le contr�le des ouvriers sur la production ne sont que des pr�ludes � cet acte indispensable au d�veloppement de la r�volution.

La valeur r�volutionnaire de cette premi�re r�duction des privil�ges de la bourgeoisie trouve rapidement ses limites dans le fait de l'existence d'une bourgeoisie toujours ma�tresse de l'Etat, libre de s'organiser pour la r�sistance, d'exercer sa force corruptrice et appel�e � codifier elle-m�me les mesures qui lui sont impos�es.

Seule, la possession int�grale du pouvoir politique sans compromission avec les repr�sentants du capital et du socialisme petit-bourgeois, permettra au prol�tariat de fonder l'ordre social nouveau sur la propri�t� collective, le travail obligatoire et la suppression des classes.

La prise du pouvoir ne signifie nullement la substitution, dans les organismes de l'Etat capitaliste, des communistes aux bourgeois, mais bien la destruction de l'Etat bourgeois et son remplacement par un appareil essentiellement diff�rent.

La mainmise sur l'Etat par le prol�tariat donne � la classe ouvri�re l'instrument de la domination bourgeoise ; elle ne supprime imm�diatement ni la bourgeoisie ni les classes, ni par cons�quent la lutte de classes qui prend au contraire sa forme la plus aigu�. Le prol�tariat ne peut faire face aux n�cessit�s de cette lutte et la mener victorieusement qu'en exer�ant sa dictature sous le mot d'ordre : � Tout le pouvoir aux Conseils des travailleurs ï¿½.

La dictature du prol�tariat n'est pas un r�gime, mais un moyen, le seul qui permette � la classe ouvri�re de briser la r�sistance de la bourgeoisie et d'instaurer le r�gime communiste.

Le Congr�s est d'accord avec l'Internationale communiste pour constater l'impossibilit� de passer sans transition de l'Etat bourgeois au Communisme sans Etat.

L'Etat est un appareil de classe au service de la classe dominante ; il ne peut dispara�tre qu'avec les classes elles-m�mes. La substitution des rapports de production socialiste aux rapports de production capitaliste n'est pas imm�diate. C'est l'�uvre d'un laps de temps au cours duquel l'existence d'un Etat prol�tarien est in�vitable et n�cessaire. La dictature du prol�tariat s'exerce pendant cette p�riode pour l'�tablissement des nouveaux rapports sociaux qui feront automatiquement dispara�tre, avec la dictature elle-m�me et les classes, l'Etat qui est, pendant la p�riode transitoire, l'instrument de domination de la classe ouvri�re.

II � Le Parti Communiste et la r�volution prol�tarienne

Le Congr�s, d'accord avec la IIIe Internationale, rejette de la fa�on la plus cat�gorique la conception d'apr�s laquelle le prol�tariat peut accomplir sa r�volution sans poss�der son parti politique ind�pendant. Toute lutte de classe est une lutte politique. Le pouvoir politique ne peut �tre pris, organis� et dirig� autrement que par un parti politique. C'est seulement lorsque le prol�tariat poss�de comme guide un parti organis� et exp�riment�, ayant des buts strictement d�finis et un programme concret d'action politique int�rieure et ext�rieure, que la conqu�te du pouvoir politique devient autre chose qu'un �pisode accidentel et sert de point de d�part � la longue �laboration de la soci�t� communiste.

Le Parti socialiste ou communiste est n�cessaire � la classe ouvri�re, non seulement jusqu'� la conqu�te du pouvoir, mais pendant toute la p�riode de la dictature et jusqu'� la disparition totale des classes.

III. � Le Parlementarisme

Le Parti consid�re le Parlement comme un appareil essentiellement bourgeois, � une machine d'oppression et d'asservissement entre les mains du capital dominateur ï¿½, absolument incompatible avec le r�gime prol�tarien, dont la forme est la R�publique des Conseils de travailleurs. La prise du pouvoir politique ayant pour objet, non la conservation des rouages de l'Etat bourgeois fonctionnant sous la direction des communistes, mais la destruction totale de tout le m�canisme d'Etat du capitalisme, le Parlement dispara�tra avec la prise du pouvoir politique par la classe ouvri�re. De m�me doivent dispara�tre, pour faire place aux institutions prol�tariennes, toutes les institutions communales ou r�gionales de la bourgeoisie.

Ainsi la IIIe Internationale, le Parti, repousse le parlementarisme comme forme de la dictature de classe du prol�tariat ; il nie la possibilit� de conqu�rir les Parlements pour r�aliser la R�volution.

Le Parti consid�re que, dans certaines conditions d�termin�es, notamment dans la p�riode pr�-r�volutionnaire et au d�but de l'agitation r�volutionnaire, � la condition expresse que les �lus soient plac�s sous le contr�le efficace et la d�pendance totale du Parti, la tribune du Parlement bourgeois peut �tre utilis�e pour la propagande r�volutionnaire du Parti. Les communistes entrent au Parlement non pour y faire un travail organique, mais pour y d�masquer les ennemis du prol�tariat, sans crainte de transgresser les r�glements �tablis et d'encourir les sanctions disciplinaires pr�vues.

Envoy�s au Parlement pour aider de l'int�rieur � la destruction du r�gime capitaliste, ils ne sauraient se laisser influencer par le reproche de ne faire qu'une action n�gative et de ne rien opposer de concret au travail l�gislatif de la bourgeoisie. Ils ne sont pas des l�gislateurs parmi d'autres l�gislateurs, mais des porte-paroles communistes envoy�s dans le camp ennemi. Ils ne s'inspirent, en toutes circonstances, que des d�cisions du Parti qu'ils ne sauraient enfreindre sans �tre exclus.

La campagne �lectorale doit �tre men�e, non pour la recherche du maximum de mandats parlementaires, mais pour la mobilisation des masses autour des mots d'ordre de la r�volution prol�tarienne.

Tout en reconnaissant que, dans les conditions ainsi d�finies, l'entr�e des socialistes au Parlement bourgeois est n�cessaire, tout en d�clarant que les socialistes fran�ais peuvent actuellement utiliser cette tactique, le Congr�s estime que la situation r�volutionnaire d'un pays peut faire appara�tre comme inutile l'action au sein du Parlement. Cela a lieu, par exemple, lorsque l'action r�volutionnaire ext�rieure se d�veloppe au point o� l'influence du Parlement sur les �v�nements devient nulle, et notamment lorsque existent les conditions n�cessaires au passage imm�diat � la lutte ouverte pour le pouvoir.

La IIIe Internationale rappelle justement que l'importance de cette question du parlementarisme est relative et ne saurait �tre en aucun cas un motif de schisme communiste.

IV. � Le Parti et les Syndicats

L'organisation syndicale est, pour la classe ouvri�re, une imp�rieuse n�cessit�, soit qu'on envisage les int�r�ts mat�riels imm�diats de cette classe et sa lutte contre le patronat, soit que l'on songe � l'organisation de la r�volution dont la gr�ve g�n�rale est un des moyens.

Pendant une p�riode de l'Histoire, ce syndicalisme est r�formiste, il recherche des compromis qui laissent intactes les bases du r�gime capitaliste et les privil�ges essentiels des exploiteurs du travail, mais au fur et � mesure que se pr�cise l'impuissance du r�formisme et que le prol�tariat sent davantage l'oppression de l'appareil social, il �volue et doit �voluer vers les concepts r�volutionnaires.

Le syndicalisme fran�ais, apr�s avoir �t� r�formiste pendant la presque totalit� du XIXe si�cle, s'affirmait r�volutionnaire au d�but du XXe. Il croyait atteindre ses objectifs par l'action directe et la gr�ve g�n�rale. Il visait en somme au m�me but que le socialisme : la suppression du salariat. Mais un revirement, qui avait commenc� avant la guerre, s'est accentu� pendant celle-ci, et le syndicalisme a subi la m�me r�gression que le socialisme.

L'afflux dans les syndicats de vastes contingents de travailleurs encore in�duqu�s, la constitution d'un fonctionnarisme permanent plus enclin aux pratiques de la diplomatie industrielle qu'� celles de la force r�volutionnaire, la tendance des nouveaux syndiqu�s � ne parer au rench�risse ment de la vie que par le rel�vement des salaires, tout cela a contribu� � ramener le syndicalisme fran�ais dans les voies du r�formisme.

Cette d�viation s'est manifest�e par des actes d'ind�niable collaboration de classe, pendant la guerre, lors de l'acceptation de � l'union sacr�e ï¿½, et depuis, par la participation � des entreprises dirig�es par les Etats capitalistes, telles que la Conf�rence de Washington et le Bureau du Travail de Gen�ve.

Mais les �v�nements accentuent de jour en jour la faillite d'une telle politique. De jour en jour, les prol�taires syndiqu�s comprennent mieux que la classe poss�dante est incapable de remettre en marche, au lendemain du cataclysme mondial, l'appareil de la production ; de jour en jour, ils discernent mieux que leur mis�re devient plus profonde malgr� les majorations de salaires toujours inf�rieures au rench�rissement de la vie. De jour en jour, ils saisissent mieux qu'ils forment une classe, que cette classe ne se lib�rera qu'en ruinant tout l'�difice capitaliste et que le syndicalisme ne renferme pas en soi tous les �l�ments et toutes les possibilit�s de la soci�t� communiste.

Le syndicalisme doit redevenir ce qu'il a �t� d�j� en France, un facteur r�el de r�volution. Il n'y aboutira qu'en �uvrant toujours plus largement aux id�es communistes et qu'en coop�rant avec le Parti socialiste � la conqu�te du pouvoir politique et � la formation de l'Etat prol�tarien.

Par son adh�sion � l'Internationale syndicale de Moscou, il marquera qu'il veut collaborer avec l'Internationale politique, coordonner son action avec l'action de cette derni�re, poursuivre la m�me �uvre avec les masses d'ouvriers qu'il recrute. En p�n�trant dans ses organismes, en gagnant � leurs id�es les travailleurs qui y sont d�j�, les communistes pr�parent cette indispensable et indissoluble alliance.

V. � La Solidarit� internationale

Le Parti d�clare que la t�che primordiale du prol�tariat, � l'heure pr�sente, est d'imposer aux gouvernements bourgeois la paix imm�diate avec la R�publique des Soviets.

Le sabotage de l'entreprise militaire dirig�e depuis trois ans contre la Russie r�volutionnaire est le plus sacr� des devoirs. La fabrication et le transport des armes, munitions, approvisionnements de toutes sortes, destin�s aux ennemis des Soviets, doivent �tre paralys�s par tous les moyens. A l'immensit� du crime perp�tr� contre le peuple russe doit correspondre l'immensit� de l'effort de solidarit� prol�tarienne internationale, propre � sauvegarder les conqu�tes r�volutionnaires du prol�tariat russe dont b�n�ficiera le prol�tariat mondial.

Cette pr�occupation essentielle doit dominer toutes les autres. La presse et les orateurs du Parti doivent lui accorder la place principale dans leur propagande, et intensifier l'agitation qui engendrera l'action des masses. Les socialistes doivent exiger que cette question soit inscrite en t�te de l'ordre du jour de chaque assembl�e syndicale afin que chaque groupement ouvrier envisage l'application de moyens efficaces pour �touffer l'action contre-r�volutionnaire de la bourgeoisie.

La propagande en vue d'�clairer le prol�tariat quant aux cons�quences d�sastreuses de son apathie et aux responsabilit�s qu'il assume en alimentant la guerre contre-r�volutionnaire ne peut s'adresser exclusivement aux travailleurs des fabriques d'armes, des usines de munitions, des poudreries, des transports, qui ne sauraient r�aliser le boycottage des agresseurs de la Russie sovi�tique sans l'appui actif de l'ensemble des organisations ouvri�res. C'est la classe ouvri�re tout enti�re qui, s'inspirant des exemples de la classe ouvri�re italienne, doit entreprendre le sabotage syst�matique du concours mat�riel apport� par nos gouvernants aux assassins du peuple russe.

Le groupe socialiste parlementaire doit publier, du haut de la tribune de la Chambre, les horreurs de la guerre et du blocus contre-r�volutionnaires. La presse socialiste doit, par une campagne retentissante, susciter l'indignation et la col�re publiques contre l'attentat sans nom dont un peuple de 180 millions d'�mes est la victime. Les sections et f�d�rations du Parti doivent entretenir une agitation sans r�pit. Toutes les formes de protestation doivent �tre utilis�es, afin de cr�er une atmosph�re favorable aux actes qui acculeront le gouvernement fran�ais, principal bourreau de la Russie, � renoncer � ses entreprises sc�l�rates.

En m�me temps que seront mis en �uvre tous les moyens pratiques de paralyser la fabrication et le transport du mat�riel de guerre, le Parti envisagera toute autre mesure susceptible de manifester la volont� de paix de la classe ouvri�re, comme par exemple le refus collectif de payer l'imp�t, et tels moyens que sugg�reront les circonstances. Le Parti proclame sa r�solution d'organiser une lutte implacable contre l'imp�rialisme et la contre-r�volution qui supplicient plus de la moiti� de l'Europe et ach�vent de la ruiner,

VI. � La question agraire

La question agraire se pr�sente en France sous un aspect particulier, du fait de l'extr�me morcellement de la propri�t� fonci�re. Le Parti doit la traiter sans esprit dogmatique, et tracer sa ligne de conduite � l'�gard de la population paysanne avec la pr�occupation d'en gagner � la r�volution la fraction la plus d�sh�rit�e, et d'en neutraliser la majeure partie.

La socialisation des moyens de production agricole ne saurait �tre r�alis�e suivant le m�me processus que celui des moyens de production industrielle. Le mode d'exploitation du sol en commun ne peut �tre impos� par contrainte, et ne se g�n�ralisera que sous l'influence de l'exemple offert par les exp�riences du travail collectif accomplies sur de grands domaines agricoles.

La grande propri�t� terrienne exploit�e par un personnel de techniciens et de salari�s, au service de propri�taires capitalistes, est seule destin�e � �tre expropri�e au lendemain de la prise du pouvoir par le prol�tariat. Ces grandes propri�t�s, ainsi que les domaines de l'Etat, des d�partements, des communes, seront exploit�es et g�r�es en commun par les Conseils des travailleurs agricoles. Par l'utilisation des m�thodes et de l'outillage modernes perfectionn�s, elles atteindront une productivit� qui sera la meilleure propagande par le fait en faveur de la g�n�ralisation du syst�me de culture collective. L'Etat prol�tarien prodiguera ses concours de toute nature pour aider, encourager et soutenir toutes les entreprises de culture en commun, les coop�ratives de production agricole, les communes agraires.

L'extinction de la propri�t� moyenne, celle des exploitants employant quelques salari�s, sera progressivement r�alis�e par la force des choses � mesure que s'intensifiera la production collective. La monopolisation des moyens de r�partition et d'�change par l'Etat prol�tarien, en privant les propri�taires moyens de la possibilit� de sp�culer, en fixant le prix des denr�es, supprimera peu � peu la raison d'�tre de la propri�t� moyenne en r�duisant les avantages qui y sont attach�s. L'attraction qui s'exercera in�vitablement des grandes entreprises collectives mod�les sur le prol�tariat agricole privera graduellement de ses salari�s la propri�t� moyenne, qui perdra son caract�re d'exploitation capitaliste et jusqu'� la possibilit� de prolonger son existence sous la forme o� elle aura surv�cu.

Les petits propri�taires, fermiers et m�tayers n'employant pas de salari�s, et le prol�tariat agricole proprement dit, devant �tre les b�n�ficiaires imm�diats de la r�volution, forment la couche de la population rurale la plus accessible � la propagande socialiste. Les premiers, qui auront dans le r�gime capitaliste � supporter le poids toujours croissant des servitudes fiscales, le co�t toujours plus �lev� du mat�riel et des engrais, seront attir�s au socialisme par la perspective de l'abolition d'un r�gime de spoliation et de confiscation, d�pouillant le travailleur des fruits de son travail, et de la cr�ation d'un nouvel ordre social leur garantissant la jouissance des biens qu'ils produisent. Les propri�taires ruraux, comme ceux des villes, viendront au socialisme pour en finir avec l'exploitation de l'homme par l'homme, pour abroger la loi d'airain des salaires, pour assurer � leur vie le bien-�tre et la s�curit�.

En organisant syst�matiquement une inlassable propagande inspir�e de ce programme, le Parti d�jouera les tentatives bourgeoises visant � dresser la paysannerie contre la classe ouvri�re. Il r�alisera l'unit� spirituelle du prol�tariat des villes et des campagnes, gage de la victoire de la r�volution communiste.

VII. � L'organisation des femmes et des jeunes

Le Parti doit accorder une attention sp�ciale � la partie la plus d�sh�rit�e du prol�tariat, le prol�tariat f�minin. La guerre, en accroissant consid�rablement cette cat�gorie de prol�taires, a cr�� la possibilit� d'y recruter pour le socialisme des contingents importants. Une propagande particuli�re, s'adressant aux femmes prol�taires, doit �tre entreprise par des m�thodes appropri�es, pour faire comprendre aux exploit�es que le socialisme seul les lib�rera, en r�alisant leur affranchissement �conomique, pour les grouper, les organiser et les �duquer politiquement. Le plan de cette propagande et les moyens de la faire p�n�trer dans les milieux du travail f�minin devront �tre �tablis par une conf�rence nationale des femmes socialistes, d�l�gu�es par les F�d�rations. Le Comit� central du Parti devra convoquer cette assembl�e, qui �lira un organisme permanent charg� de diriger la propagande socialiste parmi les femmes, et auquel le Parti donnera son concours moral et son appui mat�riel.

Le Parti s'attachera aussi � fortifier l'organisation des Jeunesses socialistes qui doivent devenir une p�pini�re de militants. Il prendra toutes dispositions propres � donner aux jeunes l'�ducation doctrinale qui fera d'eux des propagandistes et les rendra aptes � former de nouveaux cadres pour le prol�tariat. Des �coles socialistes seront cr��es, d'apr�s les exp�riences fructueuses r�alis�es dans d'autres pays, afin de ne pas laisser les jeunes livr�s � des �tudes de hasard, et de mettre � leur port�e les travaux des �ducateurs socialistes.

VIII. �- Les conditions d'admission

Le Parti consid�re comme l�gitimes et indispensables les conditions pos�es par l'Internationale communiste pour �viter l'affiliation d'�l�ments anti-communistes.

Il ne suffit pas, en effet, de d�clarer qu'on est d'accord sur les principes g�n�raux du socialisme marxiste. Il importe aussi d'�tre d'accord sur la tactique � suivre pour mettre ces principes en application, en tenant compte, conform�ment � la condition 16, des circonstances de temps et de lieu o� est plac� le Parti. En formulant avec l'autorit� et l'exp�rience que donnent au communisme russe plusieurs ann�es de pratique r�volutionnaire les r�gles essentielles de cette tactique, la IIIe Internationale a pes� clairement les bases de cet accord.

Comme le 2e Congr�s de l'Internationale communiste, le Parti pense qu'une propagande vraiment communiste doit, par tous les moyens, �tre syst�matiquement port�e partout o� il y a des prol�taires. La n�cessit� de la dictature du prol�tariat doit nettement ressortir de cette propagande, qui doit d�noncer avec une �gale vigueur le r�gime capitaliste et le r�formisme avou� ou masqu�. La diffusion des id�es communistes doit �tre assur�e avec un soin tout particulier dans les campagnes.

Tout ce qui porte l'estampille officielle du Parti (journaux, brochures, etc.) doit �tre r�dig� par des communistes s�rs. La presse et les services d'�ditions doivent d�pendre du Comit� central du Parti.

Le Parti doit �tre constitu� d'apr�s le principe de la centralisation d�mocratique. La discipline la plus stricte, accept�e par tous ses membres, doit y r�gner. Les organes directeurs doivent y d�tenir une autorit� incontest�e bas�e sur la confiance des militants. Tous les �l�ments non encore acquis au communisme doivent �tre �cart�s de ces organismes et, d'une fa�on g�n�rale, des postes comportant des responsabilit�s.

L'exp�rience a d�montr� que la collaboration des communistes et des r�formistes est incompatible avec l'action r�volutionnaire. L'Internationale communiste a justement rappel� ce que cette collaboration a co�t� � la R�publique des Soviets de Hongrie. Aucune direction n'est praticable lorsque ceux qui doivent exercer cette direction sont irr�ductiblement divis�s. La direction rationnelle d'un Parti n'est possible que si la confiance des militants place � sa t�te des hommes enti�rement et loyalement d'accord sur la charte doctrinale et tactique de ce Parti.

Vouloir, sous pr�texte de repr�sentation proportionnelle, imposer la collaboration entre communistes et non-communistes, c'est vouer d'avance le Parti � l'inaction et � l'impuissance, c'est faire d'un instrument de lutte de classes et de r�volution un agglom�rat amorphe de plus en plus soumis � l'influence bourgeoise. L'�pre lutte qui met aux prises, dans tous les partis socialistes du monde, les communistes et les r�formistes ne peut �tre consid�r�e comme une divergence d'opinion secondaire et momentan�e, pouvant se r�soudre par la confrontation des id�es.

Le Parti, en plein accord avec l'Internationale communiste, se d�clare donc r�solu � suivre une politique exclusivement communiste. Il appliquera imm�diatement cette r�solution en d�signant des repr�sentants de m�me tendance au Comit� central et aux journaux du Parti.

Le Parti est pleinement d'accord avec l'Internationale communiste pour d�noncer l'imp�rialisme colonial et pour prendre activement le parti des populations subjugu�es par le capitalisme europ�en dans leur lutte contre l'oppression sous toutes ses formes.

Le Parti est r�solu � observer les d�cisions de l'Internationale communiste et de son Comit� ex�cutif, dont tous les documents seront publi�s par ses soins. S'il est vrai que chaque parti est, dans son propre pays, le meilleur juge de la situation int�rieure de ce pays et des possibilit�s d'action de son prol�tariat, qu'il est de ce fait le plus qualifi� pour former le jugement de l'Internationale communiste sur ce point, il est non moins vrai que chaque parti n'est qu'une des unit�s des forces prol�tariennes mondiales �troitement solidaires, que l'Internationale doit diriger si elle veut �tre autre chose qu'un simple appareil enregistreur. A la garantie que toute d�cision n'est prise qu'en pleine connaissance de cause doit n�cessairement correspondre la garantie du respect et de l'ex�cution des d�cisions prises.

Le Parti d�cide de placer sous la direction de son Comit� central ses repr�sentants �lus dans les assembl�es de l'Etat bourgeois. Il retient la suggestion donn�e par le 2e Congr�s de l'Internationale communiste en ce qui concerne le contr�le � exercer en tout temps pour que les �l�ments �trangers au communisme ne puissent s�journer dans le Parti.

Le Parti consid�re que les exceptions pr�vues � l'article 20 des conditions � en ce qui concerne les repr�sentants de la tendance centriste nomm�s � l'article 7 ï¿½ doivent s'appliquer au Parti fran�ais dans les circonstances pr�sentes. Ces exceptions valent �galement pour les d�l�gu�s au Congr�s vis�s � l'article 21 qui d�clareront s'incliner devant les d�cisions du Parti.

Comme l'Internationale communiste enfin, le Parti d�cide d'entreprendre une propagande pers�v�rante dans toutes les organisations prol�tariennes (syndicats, coop�ratives et autres groupements) en vue de les gagner au communisme.

C'est par la coordination de toutes les forces ouvri�res sous l'impulsion du communisme que s'organisera l'action des masses pour la prise du pouvoir.

Ainsi, le probl�me des rapports du Parti avec les syndicats trouve sa solution logique. Le Parti groupe les militants de toutes les organisations prol�tariennes qui acceptent ses vues th�oriques et ses conclusions pratiques. Tous, ob�issant � sa discipline, soumis � son contr�le, propagent ses id�es dans les milieux o� s'exercent leur activit� et leur influence. Et lorsque la majorit�, dans ces organisations, est conquise au communisme, il y a entre elles et le Parti coordination d'action et non assujettissement d'une organisation � une autre.

Le Parti consid�re que l'Internationale syndicale d'Amsterdam, qui pratique la collaboration de classes et participe � l'�uvre contre-r�volutionnaire de la Soci�t� des Nations capitalistes, et dont la politique s'identifie � celle de la IIe Internationale, est historiquement condamn�e au sort de celle-ci. Les communistes lutteront �nergiquement pour arracher � son influence les syndicats r�volutionnaires et pour contribuer � la formation de la nouvelle Internationale syndicale de Moscou.

Mais, d'accord avec le 2e Congr�s de l'Internationale communiste, le parti condamne toute tentative de scission syndicale. Ce sont les Centrales syndicales elles-m�mes qui devront, en abandonnant l'Internationale d'Amsterdam, entrer dans l'Internationale syndicale de Moscou.

A dater du Congr�s, le Parti se nommera � Parti socialiste, Section fran�aise de l'Internationale communiste ï¿½. Il fera valoir, aupr�s du Comit� ex�cutif de l'Internationale communiste, les raisons qui militent pour l'acceptation provisoire de ce titre.

D�cisions

Afin de s'organiser conform�ment aux r�gles ainsi trac�es, le Parti d�cide :

  1. Le Congr�s annuel du Parti �lit un Comit� Directeur de 24 membres, au scrutin de liste et � la majorit� absolue ;

  2. Le Congr�s �lit les d�l�gu�s du Parti au Conseil d'Administration de l'Humanit�, au scrutin de liste et � la majorit� absolue ;

  3. Le Comit� Directeur nomme :

    1. Le d�l�gu� du Parti au Comit� Ex�cutif de l'Internationale communiste ;

    2. Un secr�taire g�n�ral ; un secr�taire international ; un tr�sorier ;

    3. Le directeur de l'Humanit� ;

    4. Le directeur de la Voix Paysanne ;

    5. Les d�l�gu�s permanents ;

    6. Une commission des conflits, ayant pleins pouvoirs pour instruire sur tous les cas d'indiscipline ou de manquement aux devoirs envers le Parti, qui lui seront soumis, soit par les sections ou f�d�rations, soit par le Comit� Directeur, et les sanctionner. Les d�cisions de cette commission devront �tre ratifi�es par le Comit� Directeur. Les exclus ont le droit de se pourvoir devant le Congr�s, sans que leur pourvoi soit suspensif ;

  4. Tous les repr�sentants du Parti investis d'une charge par le Comit� Directeur sont responsables devant lui et r�vocables en tout temps par lui ;

  5. Une commission sp�ciale de 12 membres, nomm�s par le Congr�s, est charg�e d'�tablir un projet de nouveaux statuts du Parti, et de mettre ceux-ci en harmonie avec les dispositions nouvelles. Elle devra rapporter devant un Congr�s administratif que le Comit� Directeur convoquera dans les trois mois.

Pour le Comit� de la IIIe Internationale :

Les Secr�taires emprisonn�s : Loriot. � Boris Souvarine.

Les secr�taires par int�rim : Jean Ribaut. � Ren� Reynaud.

La Commission ex�cutive : Boyet, Hattenberger, Gautier, Fromentin, Humberdot, L�onie Kauffmann, O. Ker, Radi, Charles Rappoport, Treint, Antonio Cohen.

Alexandre blanc, Georges L�vy, Vaillant-Couturier, d�put�s.

Marthe Bigot, Oscar Bloch, Annette Charreau, No�l Garnier, Hardy, Bernard Lecache, Raymond Lefebvre, Victor M�ric, Fernand Morelle, Maurice Paz, Henry Torr�s, Guy Tourrette (Seine).� Verdier, Yvonne Vidalencq, Guiraud Astruc (Aveyron). � Bouthonnier, Delagrange (Dordogne). � Delourrme, Descamps, Dumortier, De Muyne, Florimond Bonte (Nord). � Lucie Colliard (Calvados). � Courage (Seine-Inf�rieure). � Calzan, Pierre Dumas, M�tra (Rh�ne). � Gaillard (Bouches-du-Rh�ne). � Docteur Gillard (Alpes-Maritimes). � Bouet (Maine-et-Loire). � Jules Blanc (Dr�me). � Gaye, Olivier (Gironde). � Bureau, Delano� (Seine-et-Oise). � Altenbach, Khun (Haut-Rhin). � Baraille (Loire-Inf�rieure). � Dumollard (Savoie). � Rigault (Oise), � Mondovi, Ren�e (Sa�ne-et-Loire).� Froissart, Fourment (Pas-de-Calais). � Le Flanchec, Guibau (Finist�re). � Berthe Kabuck (Is�re). � Gautrand (H�rault).

Pour les membres d�missionnaires du Comit� pour la Reconstruction de l'Internationale :

Cachin, L.-O. Frossard, Bonnaud (14e section), Louise Bodin (Rennes), Bellanger (12e section), Emile Brunet (Nanterre), Baptiste (12e section), Cassou (Issy-les-Moulineaux), Chanfreau (20e section), Am�d�e Dunois (5e section), Dondi-Col (11e section), Dupont (Bourg-la-Reine), Dejoin (16e section). Maria Forsans (18e section), Ferdinand Faure (Loire), H.-P. Gassier (Marseille), Gourdeaux, Citoyenne Gourdeaux (15e section), Alix Guillain (9e section), J. Henry (Vincennes), Laloyau (20e section), C.-E. Labrousse (14e section), Lucie Leiciague (9e section), Paul Louis (9e section), Martinet (Conseiller municipal de Champigny), Marthe Pichorel (Sceaux), Quesnel et Citoyenne Quesnel (Bagnolet), Daniel Renoult (10e section), Louis Sellier (Conseiller municipal de Paris), Servantier (19e section), Tommasi (12e section), Trimouille (15e section).


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