1861-65

« À mon avis, la morale de tout cela c'est qu'une guerre de ce genre doit être faite révolutionnairement et que les Yankees ont essayé jusqu'ici de la faire constitutionnellement. »
Marx à Engels, le 7 août 1862.

Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec.


La guerre civile aux États-Unis

K. Marx - F. Engels

PRÉFACE de R. Dangeville

Le corps et l'âme d'une société moderne

Dans le Capital, au chapitre de la colonisation, Marx s'amuse des mésaventures d'un industriel anglais qui, ayant transféré d'Angleterre en Nouvelle-Hollande tout l'équipement de son entreprise, y compris les ouvriers et leur famille, « resta sans domestique pour faire son lit ou lui puiser de l'eau à la rivière », ses employés l'ayant délaissé pour s'établir dans le pays comme libres colons. Et Marx de conclure : «Infortuné capitaliste ! il avait tout prévu, mais avait oublié que ses machines étaient essentiellement faites de rapports sociaux constituant cette « âme capitaliste », qui est le résumé de toute l'histoire et l'économie d'une société. »

L'Amérique a vécu cette anecdote, à cela près que les ouvriers et leurs familles qui se sont enfuis d'Angleterre, d'Irlande et du continent européen après avoir abandonné machines et rapports sociaux, ne savaient pas que, fatalement, ils recréeraient les mêmes rapports sociaux qu'en Angleterre, s'ils développaient la merveilleuse industrie et son esclavage capitaliste. La douce terre américaine ne pouvait donc demeurer un havre de paix et de bonheur, elle devait reproduire toute l'histoire de sa mère patrie britannique et, pour commencer, ce que Marx appelle les horreurs de l'accumulation primitive. Ne lui fallait-il pas, à elle aussi, une âme capitaliste ?

C'est ainsi que les premiers colons, eux-mêmes victimes de la violence en Europe, durent l'exercer à leur tour à l'encontre des habitants originels de l'Amérique, les Indiens. Ils durent les chasser devant eux, puis les anéantir ou les parquer dans des réserves closes pour occuper le sol et nouer des rapports sociaux et productifs stables. Aujourd'hui, encore, cet épisode hante l'Amérique. Que le capitalisme ait été importé directement « dans toute sa pureté » fait penser qu'aux États-Unis le capitalisme a pu s'instaurer sans révolution préalable. En fait, le début de toute une série de bouleversements révolutionnaires a été l'élimination de la société officielle des Indiens primitifs : façon expéditive, à l'américaine, de détruire l'ancien régime.  [1]

L'Angleterre n'a donc pas exporté directement aux États-Unis ses formes de production les plus développées, notamment dans le domaine industriel : l'Amérique lut d'abord une colonie anglaise. La base à partir de laquelle se développeront, non sans heurts, la nation et le capitalisme américains, c'est la petite production marchande essentiellement agricole et artisanale, qui a son parallèle dans la production des communes libres du Moyen Âge européen, au XII° siècle par exemple. Ainsi, en 1790, quatre-vingt-quinze pour cent de la population des États-Unis étaient agricoles. L'Amérique dut donc secouer la tutelle coloniale de l'Angleterre (guerres de 1775-1783 et de 1812-1814) pour que les treize colonies - petite fraction du futur territoire national - puissent se déclarer indépendantes et commencer, à partir de la petite production marchande, une évolution économique et sociale relativement autonome. C'était le début de la révolution nationale bourgeoise, qui permet l'instauration du mode de production capitaliste, à l'échelle d'une société déterminée.

Contrairement au type de la révolution classique (comme par exemple la révolution française de 1789, concentrée en quelques années), la révolution américaine se produira par grandes crises successives, au fur et à mesure de là maturation des forces économiques américaines : le chemin est long qui va de la petite production marchande, où le travailleur est propriétaire des produits de son travail, à la production pleinement capitaliste, où le travailleur est salarié et a cessé d'être le propriétaire des fruits de son travail.

L'âme des États-Unis

On ne peut ramener toutes les révolutions bourgeoises à un seul modèle. En effet, si elles ont un contenu de classe commun, elles n'en sont pas moins finalement différenciées par l'originalité de leurs caractéristiques nationales. Celles-ci résultent du rapport que nouent entre eux les producteurs quand ils se heurtent au milieu climatique et géographique et au mode de production déjà existant : féodalisme en Europe, mode de production asiatique et colonialisme blanc dans les continents de couleur, et, en ce qui concerne plus, particulièrement les États-Unis, mode de production du communisme primitif indien et impérialisme anglais.

Marx dit expressément que ces conditions préalables constituent par la suite une partie intégrante de la société bourgeoise : « Les présuppositions qui apparaissaient à l'origine comme les conditions du devenir du capital - et ne pouvaient donc découler de l'action du capital en tant que tel - apparaissent maintenant comme résultat de sa propre réalisation... Ce ne sont plus les conditions de sa genèse, mais le résultat de son existence présente. » [2]

Le moment de la révolution est donc déterminant, du fait qu'il marque un tournant et constitue l'acte de naissance officiel d'une nation nouvelle : la mesure du succès remporté par les armes contre les forces précapitalistes et leurs alliés extérieurs - la violence étant ici, selon l'expression d'Engels, un agent économique - déterminera la conformation et les capacités d'évolution de la nation, non seulement dans l'espace avec ses frontières géographiques, intérieures ou extérieures (État central ou fédéré), mais encore dans ses institutions administratives, politiques, juridiques, son système monétaire, fiscal, etc. Cet ensemble déterminera, d'une part, la structure intérieure de la domination du mode de production bourgeois, et, d'autre part, le rang qu'occupera cette nation dans le concert des autres États, en un rapport de forces déterminé vis-à-vis d'eux.

Ainsi, les révolutions sont les grandes accoucheuses des sociétés modernes, le modèle de la société nouvelle, encore à développer s'imposant dans la crise révolutionnaire, lorsque les hommes, sous l'effet des bouleversements qui se sont déjà produits au sein de la base économique, sont contraints d'institutionnaliser les rapports désormais prépondérants dans l'économie. Suivant le plus ou moins grand succès rencontré par les forces révolutionnaires, les institutions, ou cadre national au sens large, seront plus ou moins propices au développement des forces productives à l'avenir. C'est donc au cours de la crise brève et aiguë des révolutions, où se façonnent les superstructures, que se décide l'avenir d'une nation. Telle est la dialectique entre base et superstructure, la première étant décisive pour la seconde, et la seconde agissant en retour sur la première [3].

Bien qu'on se plaise à assimiler les révolutions aux désordres, à l'anarchie et aux gâchis improductifs, ce sont des « facteurs économiques » de progrès et elles marquent toute la vie ultérieure de chaque nation. Les structures et réflexes alors mis en place dominent tout le futur : chaque période de fièvre et de crise évoquera un épisode de la révolution passée, et notamment une limitation ou un échec subi par celle-ci. L'exemple frappant aux États-Unis est l'actuelle « question noire » qui fut au centre de la guerre civile américaine – anti-esclavagiste - de 1861-1865.

Comme le dit Marx, l'esclavage a été le péché originel des États-Unis. C'est par ce mode de production que le capital anglais introduisit les germes de la grande industrie aux États-Unis, avec la complicité des Américains du Sud (et souvent du Nord) : le coton n'était-il pas l'axe de la grande industrie bourgeoise à ses débuts ? Marx explique que l'esclavage peut subsister au sein du système de production bourgeois parce qu'il n'est qu'un point isolé et transitoire du développement ultérieur du salariat, du capital et de la grande industrie : il doit donc être éliminé à un moment donné : « L'esclavage des Noirs - esclavage purement industriel - est supposé par la société bourgeoise, bien qu'au cours de son développement il lui devienne insupportable et disparaisse. » [4]

Cependant, la guerre civile américaine de 1861-1865 s'achèvera par un compromis marquant toutes les institutions futures. Marx et Engels signalent que la force principale de ce compromis, qui laisse subsister en grande partie la différence entre Sud et Nord et façonne l'État et l'administration en conséquence, a été New York, centre du marché financier, qui détient les hypothèques sur les plantations du Sud, négocie le coton avec l'Angleterre et participe au commerce des esclaves d'Afrique. New York est en outre le centre du Parti démocrate, qui assure la liaison entre le Sud et le Nord, en opposition au Parti républicain de Lincoln.

Entre autres, ce compromis porta sur l'abolition de l'esclavage et laissa subsister pour l’avenir la question des Noirs, qui ne sont pas assimilés purement et simplement aux autres citoyens américains. Déjà au cours de la guerre civile, provoquée pourtant par la question esclavagiste et tournant entièrement autour d'elle, les Nordistes anti-esclavagistes réprimèrent par la force les sympathies des esclaves et n'organisèrent pas systématiquement des compagnies de Noirs, comme Marx et Engels le préconisent (cf. l'article : « Critique des affaires, américaines », pp. 126-127).

Au cours de ces dernières années, au moment des émeutes noires dans les villes américaines, Frantz Fanon constatait que les Blancs avaient accepté les Noirs, sans qu'il y ait eu vraiment combat des esclaves pour l'abolition de leur statut. Les Noirs n'ayant pas aboli eux-mêmes l'esclavage, il n'y avait pas eu véritable libération, les maîtres blancs les ayant, au contraire, pris au piège d'une émancipation formelle. Affranchis par leurs maîtres, ils n'avaient pas lutté et arraché eux-mêmes leur émancipation. Au lieu d'agir, les Noirs ont subi l'action : le changement est venu de l'extérieur [5]. Dans leurs articles, Marx et Engels dénoncent avec force les nombreuses astuces politiques, utilisées par les classes dominantes pour se tirer d'embarras. Ils ont toujours répété qu'elles coûtaient cher.

Amérique d'hier et d'aujourd'hui

La guerre civile américaine, telle qu'elle a été analysée par Marx et Engels, présente encore un intérêt particulier sur le plan de l'évolution générale de la société, et complète l'étude des révolutions bourgeoises européennes. Ce qui fut socialement le plus marquant dans le bouleversement italien de la Renaissance, ce fut l'art, en Allemagne, au moment de la guerre civile des paysans de 1525, ce fut la question de la religion et de la philosophie; en Angleterre, ce fut la littérature économique; en France, l'élément politique (partis, État démocratique avec suffrage universel, instruction obligatoire pour tous et service militaire général) : l'ensemble forme la superstructure qui, complétant la base économique, nous donne la totalité des structures de la société bourgeoise moderne.

Au cours de la guerre d'Indépendance et même de la guerre de Sécession, l'Amérique, révolutionnaire en ces temps, luttait contre l'impérialisme britannique et ses alliés locaux. Dans le Capital, Marx a étudié, d'après l'exemple de l'Angleterre, le développement économique classique du capitalisme, afin d'en tirer les lois de l'évolution de tous les autres pays qui allaient s'engager dans l'industrialisation capitaliste : De te fabula narratur (c'est ton histoire qu'elle raconte). Marx achève le premier livre du Capital par le chapitre sur la colonisation, et on pourrait dire que son histoire de la guerre civile américaine en est un prolongement sur le plan politique et militaire, ou du moins une illustration. Cela nous permet d'affirmer que nous trouvons dans la guerre de Sécession à la fois la phase révolutionnaire de formation de la nation américaine (dans l'épisode nordiste et anti-esclavagiste) et la phase impérialiste de son avenir (dans l'action de l'Angleterre).

De fait, la caractéristique de la révolution américaine, c'est l'impérialisme au sens le plus dialectique du terme. L'élément impérialiste est un trait fondamental dans le capital, qui est essentiellement production excédentaire, création de plus-value, et donc force irrésistible de propagation de son mode de production. Ainsi, le capital ressent toute limite comme une entrave intolérable. Il se développe donc irrésistiblement au-delà des barrières nationales et des préjugés. Il abat devant lui tout ce qui n'est pas capitaliste, et il est lui-même en révolution constante, brisant toutes les entraves au développement des forces productives, à l'élargissement des besoins, à la diversité de la production, à l'exploitation et à l'échange de toutes les forces naturelles et spirituelles. Pour Marx, c'est aux États-Unis qu'apparaît le plus clairement cette Propriété inhérente au capital : la force impérialiste de propagation de l'industrie anglaise, puis celle du capital américain qui gagna bientôt tout l'immense territoire de l'Atlantique au Pacifique, pour submerger ensuite le monde entier, après avoir déchu l'Angleterre de sa position de monopole sur le marché mondial et lui avoir ravi le rang de première puissance industrielle du monde [6].

La guerre civile américaine de 1861-1865 annonce le futur renversement de l'impérialisme britannique par l'américain, et Marx cite cette remarque amère de la presse londonienne : « Les Yankees veulent se tailler une place énorme sur la scène mondiale. » En fait, l'impérialisme anglais est encore solide, et la guerre civile américaine n'est que l'achèvement de la révolution nationale des États-Unis de Washington : elle unifie la nation américaine, en brisant la sécession sudiste, à un moment où les États-Unis s'étendent effectivement de l'Atlantique au Pacifique, et où ils se séparent définitivement de la mère patrie anglaise. Au reste, ce n'est que vers les années 1860 que le capital américain a connu un développement suffisant pour se détacher à la fois de l'industrie anglaise et pour dominer la société intérieure des États-Unis : à la même époque, la révolution nationale était à l'ordre du jour des pays d'Europe centrale et méridionale : Allemagne, Pologne, Hongrie, Italie, Espagne, etc. Bref, la petite production marchande qui dominait aux États-Unis à la fin du XVIII° siècle n'était pas suffisante pour assurer le triomphe de la révolution américaine, puisqu'il faut un nouveau bouleversement économique pour que se développe à une vaste échelle la production capitaliste, fondée avant tout sur le travail salarié, et non plus sur le travail du producteur-propriétaire pour le marché.

Mais, du fait des insuffisances de la première guerre d'Indépendance américaine et de l'immense, espace encore vierge, l'impérialisme anglais fit, lui aussi, de grands progrès en Amérique durant la période de 1790 à 1860, notamment sous l'effet de l'extraordinaire essor de l'industrie textile (cotonnière) depuis 1820 et des lois céréalières anglaises de 1846 qui firent de l'Amérique du Nord le grand fournisseur en matières premières et denrées alimentaires de la Grande-Bretagne. Dans le Capital, Marx fournit un certain nombre de données à ce sujet : « Le développement économique des États-Unis est lui-même un produit de la grande industrie européenne, et plus particulièrement de l'industrie anglaise. Dans leur forme actuelle, on doit les considérer encore comme une colonie de, l'Europe. » Et Engels d'ajouter à la quatrième édition : « Depuis 1890, les États-Unis sont devenus le second pays industriel du monde, sans avoir cependant perdu tout à fait leur caractère colonial. »

Dans la même note (cf. Capital, livre premier, tome II, p. 133), Marx cite l'évolution statistique des principaux produits tirés des États-Unis par l'Angleterre. Voici quelques-unes de ces données :

Coton exporté des États-Unis en Grande-Bretagne
1846401 949 393 livres
1852765 630 544 livres
1859961 707 264 livres
18601 115 890 408 livres



Le froment est monté de 16 202 312 quintaux en 1850 à 41 033 503 quintaux en 1862.

C'est donc l'essor de l'industrie britannique qui détermina l'augmentation de l'agriculture américaine esclavagiste, pourvoyeuse d'aliments et de matières premières pour le capitalisme anglais : la lutte anti-esclavagiste devenait ainsi le pivot de la guerre civile américaine. Détruire l'esclavage, c'était anéantir l'influence de l'impérialisme anglais, c'était l'occasion historique pour le capital américain de dominer enfin toute la société américaine. Certes, on ne peut pas dire que les plantations d'outre-mer, exploitées au moyen d'esclaves, soient une forme capitaliste pure de l'agriculture, puisque celle-ci implique le salariat. Cependant, c'est une première forme capitaliste au service de la grande industrie des métropoles : elle travaille pour le marché mondial. En un second temps, lors de la révolution nationale d'outre-mer, les plantations esclavagistes doivent être éliminées pour être remplacées par une main-d’œuvre salariée. Ces révolutions nationales sont donc nécessairement anti-impérialistes.

La guerre civile américaine de 1861-1865 a plusieurs protagonistes : le Nord industriel où le travail est libre, et le Sud esclavagiste, qui s'appuie sur l'Angleterre, et, à un degré moindre, sur la France et l'Espagne (prêtes à intervenir, au profit des esclavagistes), tandis que la classe ouvrière anglaise prendra parti contre son propre gouvernement, en faveur du Nord [7]. Il est donc relativement difficile de tracer une limite exacte aux textes de Marx et d'Engels sur la guerre civile américaine, surtout sur le plan international.

Il convient de remarquer à ce propos que les articles militaires sur la guerre civile américaine sont attribués généralement au seul Marx (cf. par exemple les œuvres en allemand, vol. 15, Éditions Dieiz, Berlin), alors que la correspondance Marx-Engels fait expressément mention [8] de la paternité d'Engels en ce qui concerne ces articles, Marx les ayant simplement reproduits où légèrement remaniés. Il importe de noter qu'Engels et Marx conseillèrent aux Américains de couper le Sud en deux et de s'emparer de la Géorgie [9], en se fondant sur l'analyse non seulement géographique de la Confédération du Sud, mais encore en combinant ces données à l'étude économique et sociale des États esclavagistes. De fait, cette stratégie étant la plus rationnelle, elle finit par s'imposer aux stratèges américains qui concentrèrent trop longtemps leurs forces sur le Potomac. Comme on le voit, les études de Marx et d'Engels n'étaient pas du tout académiques; au reste, leur action en faveur du Nord se reliait à celle de tous leurs amis politiques qui, ayant émigré aux États-Unis, luttèrent, les armes à la main, contre l'esclavagisme. [10]

On peut remarquer enfin que l'histoire de la guerre civile américaine est l'une des rares révolutions que Marx et Engels aient analysée systématiquement, en considérant : a) les causes économiques et sociales du conflit; b) les opérations militaires découlant non seulement du rapport des forces en présence, mais encore de leur politique respective; c) ses effets internationaux, d'abord sur les bourgeoisies européennes, notamment britannique, puis sur le prolétariat anglais; d) ses répercussions sur les institutions économiques et sociales [11]. Nous avons groupé leurs textes suivant cet ordre logique, qui correspond en gros à leur succession chronologique.


Notes

[1] Engels distingue entre deux sortes de colonies : 1º celles où domine une population blanche, qui suit un développement autonome vis-à-vis des indigènes, calqué sur celui de l'Europe; 2º celles où le capitalisme se heurte à une population de couleur disposant d'un mode de production propre, qui évoluera tout entier vers le mode de production bourgeois moderne. Cf. Fr. Engels à K. Kautsky, 12 septembre 1882. On trouvera cette lettre, en traduction française, dans programme communiste, Nº 11, 1960, p. 19. « Les positions marxistes sur la question nationale et coloniale ».
À propos de la dialectique du facteur de nation dans le développement économique et social des sociétés, cf. dans Fil du Temps, « Facteurs de race et de nation dans la théorie marxiste », J. Angot, B.B. 24, Paris 19e, octobre 1969.

[2] Cf. Karl Marx : Fondements de la Critique de l'Économie politique, trad. R. Dangeville, éd. Anthropos, Paris 1967, tome I, pp. 423-424.

[3] Cf. Les Écrits militaires de Karl Marx et Friedrich Engels, trad. R. Dangeville, l'Herne, 1970, dont le premier volume est consacré au rôle de la violence dans la constitution des États européens modernes. Comme on le voit, l'étude des révolutions fait partie intégrante de l'analyse des structures réelles du capitalisme.

[4] Cf. Karl Marx, Fondements, etc., vol. I, p. 165. Au vol : II, p. 251. Marx explique le mécanisme d'introduction du système capitaliste dans les colonies : « Lorsqu'une nation industrielle produisant sur la base du capital, comme l'Angleterre par exemple, procède à des échanges avec la Chine (ou les États-Unis du siècle dernier), en absorbant la valeur sous la forme d'argent et de marchandise à partir de la production de ce pays, ou plutôt en l'entraînant dans la sphère de circulation de son capital, il saute aux yeux que les Chinois ne doivent pas pour autant produire eux-mêmes à titre de capitalistes...
« Le capital tend nécessairement à s'emparer partout des modes de production existants et à les placer sous sa domination. Au sein d'une société ou d'une nation donnée, le capital obtient ce résultat en transformant toute activité en travail salarié. »

[5] Cf. Frantz Fanon : Peaux noires, Masques blancs, Éditions du Seuil, p. 198. Ainsi que Alexis de Tocqueville : De la Démocratie en Amérique, collection 10/18. pp. 190, 191.

[6] Dans sa lettre à Fr. Engels, du 8.10.1858, Marx définit l'intérêt du socialisme à l'extension universelle du capital : « La véritable mission de la société bourgeoise, c'est de créer le marché mondial, du moins dans ses grandes lignes, ainsi qu'une production conditionnée par le marché mondial. Comme la terre est ronde, cette mission semble achevée depuis la colonisation de la Californie et de l'Australie ainsi que l'ouverture du Japon et de la Chine. Pour nous, la question difficile est celle-ci : sur le continent européen, la révolution est imminente et elle prendra un caractère socialiste, mais ne sera-t-elle pas forcément étouffée dans ce petit coin, puisque, sur un terrain beaucoup plus vaste, le mouvement de la société bourgeoise est encore ascendant ? »

[7] L'attitude du prolétariat anglais de 1861-1865 est, pour le marxisme, le modèle du défaitisme révolutionnaire ouvrier dans la guerre impérialiste de sa bourgeoisie.

[8] Le lecteur trouvera de nombreux détails sur la guerre civile américaine dans le tome VII de la correspondance Marx-Engels des Éditions Costes : Guerre de Sécession (1861-1863). Expédition du Mexique (1863), 243 p. Dans le volume VIII, il trouvera la période de 1863 à 1865, sur laquelle nous n'avons pas d'articles rédigés de Marx et d'Engels.
Dans sa lettre du 3 mars 1862, Marx écrit par exemple : « Tu me ferais plaisir en me fournissant cette semaine (avant vendredi matin) un article en anglais sur la guerre d'Amérique. Tu peux y aller carrément. » (Vol. VII, pp. 84, 85.)
À noter à ce propos, qu'après l'expérience désastreuse des tentatives révolutionnaires de 1848-1849, Engels était relativement pessimiste, à un moment donné, sur les chances militaires des nordistes. (Cf. Engels à Marx, le 9 septembre 1862, l.c., p. 155 : « Crois-tu que ces messieurs du Nord réprimeront la « rébellion » ?). Marx, ayant intégré toutes les données économiques, sociales, politiques aux problèmes militaires, pouvait répondre : « Malgré tout cela, je donnerais ma tête à couper que ces gaillards auront le dessus. » (10 septembre 1862, I.c., p. 157.) Toute spécialisation unilatérale est insuffisante, l'efficacité de la collaboration de Marx et d'Engels en témoigne.

[9] Thèmes et arguments développés par Marx et Engels sont d'ailleurs liés à leurs possibilités d'action, importantes sur le plan théorique, surtout en 1861-1862. Cf. la carte des opérations militaires, p. 68.

[10] On trouvera l'analyse théorique et statistique de l'économie américaine après la guerre de Sécession dans Lénine, Oeuvres, tome 22 : Nouvelles données sur les lois du développement du capitalisme dans l'agriculture. Premier fascicule. Capitalisme et agriculture aux États-Unis d'Amérique, pp. 9-108. Lénine y explique comment l'essor industriel dépend étroitement de l'élimination des conditions précapitalistes dans l'agriculture. Cf. aussi Le Marxisme et la Question agraire vol. I et II in Fil du Temps, J. Angot, B.P. 24, Paris 19°.

[11] Idem.


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